Jean-Joseph RABEARIVELO
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Culture et Société

Jean-Joseph Rabearivelo est né à Tananarive en 1901. Un peu comme moi, il fut renvoyé de Saint-Michel pour avoir refusé de participer aux offices religieux. Touts sa vie, il fut employé comme correcteur à l'Imprimerie de l'Imerina qui publia plusieurs de ses écrits. Il a publié une vingtaine de livres (poésies, romans, critiques littéraires). Proche des mouvements symbolistes et surréalistes, il finira par se suicider en 1937, désespéré de ne pouvoir aller vivre à Paris.

C'est le tout premier grand poète africain.

Voici deux exemples de ses écrits (il y en a plein sur Internet)

Pour les malgachophones, voici une traduction fidèle d'un poème de Verlaine.

IL PLEURE DANS MON COEUR

Il pleure dans mon cœur

comme il pleut sur la ville.

Quelle est cette langueur

Qui pénètre mon cœur ?

O bruit doux de la pluie

Par terre et sur les toits !

Pour un cœur qui s'ennuie,

O le chant de la pluie !

MISY RANOMASO AO AM-POKO 

Misy Ranomasoç ao am-poko

Toy ny fisian'ny orana eny am-bohitra.

Inona ary izato alahelo

Maninteraka ao am-poko ?

O ry feo malemin'ny ranonorana

Ery an-tany ary ery an-tafo !

Ho an'ny fo valabalaka,

O ry hiran'ny ranonorana !

Mais malgré ses liens avec la poésie moderne, Jean-Joseph Rabearivelo restait profondément enraciné dans la culture traditionnelle malgache ...

Iarive   

Salut, terre royale où mes aïeux reposent
grands tombeaux écroulés sous l’injure du temps :
et vous, coteaux fleuris, que des fleuves arrosent
avec leurs ondes d’or aux reflets éclatants !

Salut, village rouge aux tuiles primitives
sur lesquelles, parfois, bondit le beau levant
vieux murs que, le matin, de leurs chansons plaintives,
les filles d’Imerne animent en rêvant !

Je vous salue aussi, montagnes éternelles,
immuables témoins de notre âge aboli,
où l’on cherche à savoir ce que cachent en elles
les pierres-des-anciens au fronton démoli !

Je voudrais divertir mes pensées et mes rêves
parmi vos grands débris et vos charmes mourants,
et jouir près de vous de mes heures de trêves,
ô pays d’Inconnus, de Héros et de Grands !

Au lever du soleil, les pâtres, les bergères
charmeront au-dehors, précédent leurs troupeaux ;
les gammes de leurs chants, naïves et légères,
berceront mollement mon somme et mon repos.

Et lorsque soufflera la brise matinale
à travers ma fenêtre en bois minces et bleus,
je sortirais humer de la fleur vaginale
l’encens doux et naissant et le parfum frileux ;

Puis vers d’autres plaisirs s’en iront mes délices,
et je viendrai bientôt, parmi les paysans,
acclamer la moisson et fêter les prémices,
en agitant dans l’air nos épis mûrissants.

Mais soudain, me viendront les grandes faims mystiques,
car vos ombres, mes morts, émigreront en moi,
et, près de nos tombeaux aux murailles antiques,
je courrai murmurer ces mots remplis d’émoi :

« O mon vain cœur, c’est là, sous ces vastes ruines
sur lesquelles s’abat un essaim de corbeaux,
c’est là qu’enveloppé d’un manteau de bruines,
un jour tu pourriras ! C’est là, dans ces tombeaux ! »

Vainement je tairai les sanglots de mon âme,
ô Pays de repos, de trêve et de loisirs ;
trouverai-je jamais le magique dictame
qui puisse, un long moment, combler mes déplaisirs ?

Jean-Jacques Rabearivelo